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J2M - 2010

LA FARCE

Comme à son habitude… Maurice se lève tard, profitant encore un peu de la chaleur de son lit et du calme qui règne tout autour de lui.  Le réveil marque 10 h.32. C’est samedi, c’est le début de l’été, et Maurice a la flemme.
En effet, depuis plusieurs semaines, « Momo » n’est plus d’attaque… Il a perdu son courage et ses espoirs. Ho non, il n’est pas malade. Non… Il traverse une petite période dépressive. Son moral est bas et il n’a plus envie de rien. Seul depuis plusieurs mois dans cette grande maison, qui lui semble vide et triste. La solitude et le célibat ne lui conviennent pas. Maurice aime avoir une présence proche de lui, pour ne pas dire contre lui. Ha... Pouvoir s’endormir avec une femme… sentir sa respiration, sa chaleur… sa peau… se réveiller contre elle, pour ne faire plus qu’un…
Même son travail l’ennuie. Momo a perdu le goût de la passion. Pourtant avant, il lui plaisait bien ce job.
Bref… une journée de plus, qui s’annonce comme toutes les autres... Ennuyeuse.
Mais bon… c’est le week-end, et c’est appréciable de ne pas aller au boulot.
Ce qui le sauve et le maintien, c’est que Maurice vit à travers ses rêves. Il rêve de faire de grands voyages à l’autre bout du monde. Ce qui le passionne, c’est les Antilles. Ha, les Antilles !... avec ses Antillaises !... Momo collectionne des photos qui collent partout là où il peut sur les Antilles… Paysages, iles, lagons, plages… femmes… Tout l’intéresse.
Tiens… Justement. Il est obnubilé par sa voisine qu’il trouve magnifique.
Marceline est d’origine Antillaise et s’est vrai qu’elle est jolie. Elle habite la maison d’en face, mitoyenne à la sienne. Belle, dans la quarantaine, beaucoup de charme, élancée avec des formes, poitrine généreuse, taille fine, hanches galbées, longues jambes musclées. Elle a des allures de mannequin. Elle vit seule avec deux jeunes enfants. Son mari est militaire et n’est pratiquement jamais présent. Elle est sympathique et naturelle. Elle rit tout le temps.
Maurice aimerais trouver une femme comme elle pour vivre le grand amour. Mais voilà… Momo ne connaît personne qui correspond à ce genre de femme. Il plaisante souvent avec Marceline… Il lui demande si elle a une sœur, une cousine ou une amie qu’elle pourrait lui présenter. Il aimerait bien Marceline, mais il n’ose pas aborder le problème.
Maurice rêve d’aller passer le reste de sa vie aux Antilles.
Mais pour voyager, il faut être deux. Seul, il ne peut pas. Momo a besoin de compagnie… D’une solide relation complice, amoureuse et sérieuse… et qui puisse partager toutes ses folies !

Après un rapide, mais copieux petit déjeuner, puis d’une toilette éclair… Maurice a pour habitude d’aller regarder dehors. D’abord pour voir le temps qu’il fait, et puis pour observer machinalement tout autour de chez lui. N’ayant pas eu le courage hier soir de descendre les volets roulants, il regarde l’extérieur en écartant légèrement les rideaux opaques.
Lorsque l’on vit seul depuis un certain temps, je crois que l’on prend certaines manies, que l’on devient un obsessionnel curieux pour voir tout ce qui se passe autour de soi… et aussi, quelque peu voyeur.
Rien. Non, rien ne bouge. Tout est tristement calme.
Arrivé dans le salon, Momo fais la même chose en écartant un peu le rideau blanc opaque.
Hé bien oui… aujourd’hui… il se passe quelque chose !...
Il y a dans le jardin d’à côté, à 6 ou 7 mètres, sa voisine Marceline qui étend son linge pour le faire sécher. Marceline s’affaire. Ses cheveux noirs forment un chignon rapidement bricolé. Elle a juste une robe de chambre légère sur elle, sorte de soie blanche avec de larges fleurs roses, croisée et nouée simplement par une ceinture à la taille.
Momo s’attarde à la regarder. Elle est belle dans ce soleil qui la sculpte et qui commence à chauffer le paysage. A côté d’elle, une grande bassine en plastique bleu remplie de linge.
A chaque fois qu’elle prend un vêtement, elle se penche en avant, son peignoir s’ouvre et découvre sa poitrine libre. Puis, lorsqu’elle se relève, qu’elle tend les jambes et les bras pour accrocher le linge… c’est le haut de ses cuisses qui apparaît.
A chaque fois, le principe est le même. Un coup, ce sont ses seins qu’il aperçoit… L’autre coup, ce sont ses cuisses !
Marceline ne cherche pas à se cacher étant persuadée que personne ne l’observe. Les autres maisons sont loin et peu visibles. Quant à Maurice, elle doit penser qu’il dort encore.
Pourtant, il la regarde !... Il ne la quitte pas de ses yeux encore remplies de sommeil. Amusé de ce manège et un peu émoustillé quand même… Car plus elle se penche, plus le nœud se défait et plus la robe s’ouvre. Momo ne perd pas une seconde l’observation du strip-tease improvisé… Marceline continue d’accrocher son linge sans s’occuper de son apparence.
La robe de chambre est maintenant largement ouverte sur le devant, découvrant ainsi une importante bande de chair cuivrée… partant de son visage, de son long cou… passant pas ses seins et son ventre… pour finir par ses cuisses et ses jambes… Retenue par le semblant de ceinture encore nouée devant son sexe, et qui pendouille désormais entre ses jambes musclées. Elles se tendent et s’ouvrent, puis se plient à nouveau. Chaque mouvement délie davantage le faible nœud de soie qui libère irrémédiablement ce corps nu qui s’exhibe totalement à la vue de Maurice.
Elle lui offre sans le vouloir et sans pudeur, toute l’intimité de son anatomie avec tous ses détails intimes. Momo profite de la scène au maximum. Son cœur bat fort dans sa poitrine.
Puis, ayant terminée… Marceline réajuste tout naturellement sa tenue, resserre le nœud en regardant machinalement autour d’elle… Il n’y a personne. Elle prend sa bassine vide et disparaît dans sa maison.

Momo, fixé au rideau, retient sa respiration. Il est comme émerveillé, et cela le fait rire.
C’est troublant de voir en cachette, quelqu’un qui ne le sait pas. Mais c’est aussi frustrant !
Il remarque au passage que l’herbe de son jardin est haute et qu’il aurait fallu donner un bon coup de nettoyage. A quoi bon… il n’a pas le courage… il verra ce problème plus tard.
Après quoi, il retourne à ses occupations habituelles. Il s’habille d’un survêtement déjà ancien, et décide d’aller voir s’il y a du courrier.
Pendant qu’il descend vers sa boite aux messages, en contre bas… Momo regarde automatiquement dans la direction de la maison de Marceline, pensant à son petit spectacle… mais ne la voit pas.
Il ramasse son courrier qui est abondant en publicité. Trois lettres. Les deux premières sont surement des factures, et l’autre ?... Un courrier de Mesdames Louise et Roseline.
— Qu’est-ce que c’est ?... C’est qui ?
En remontant le petit chemin en direction de sa maison, Maurice croise Marceline qui descend dans le sens inverse. Elle aussi va chercher son courrier. Bonjour Marceline… Bonjour Momo… Ils se font la bise et échangent les banalités d’usages. Comme d’habitude, Maurice lui fait des compliments sur sa beauté. Marceline réagit en rigolant aimablement. Elle n’est plus en robe de chambre mais en pantalon et en petit tee-shirt moulants.
— Tu as reçu du courrier intéressant aujourd’hui ?... lui demande t-elle.
— Je ne sais pas… Je vais voir. Répond Momo, la tête ailleurs.
Tout en lui parlant, il la revoit… lui offrant généreusement tout son corps pour lui tout seul. Maurice n’a rien dit, bien sûr. Ce serait déplacé. En tous cas, elle l’a mis sans qu’elle le sache, un peu de baume dans son cœur, un peu de beauté et de gaité dans ce début de journée.

Arrivé à la maison, impatient… Maurice laisse le paquet de pub de côté ainsi que les deux présumées lettres-factures… et ouvre le courrier venant de Madame Louise et de Madame Roseline.
— Qui sont ces deux femmes ?... Que lui veulent-elles ?
Après l’ouverture de la lettre, ce serait deux dames d’un certain âge, deux sœurs… qui pratiquent la voyance, à Bruxelles… et qui prédisent l’avenir.
Mais au moment où Maurice décide de mettre cette lettre à la poubelle… Il continue machinalement de lire en travers plusieurs paragraphes. Il décide de garder et de lire cette lettre avec plus d’attention. Donc, pas de poubelle tout de suite !
Cette lettre lui est directement adressée. « Monsieur R… »  
— Oui, c’est bien moi !... puis il poursuit… « Nous savons que vous traversez une période difficile… bla, bla, bla… Nous savons comment vous redonner le moral et l’envie de vivre… bla, bla, bla»… Vous êtes né le… Vous êtes donc du signe du... La planète Mars est en conjonction avec la planète… bla, bla, bla… Nous pouvons vous aidez, ayez confiance en nous… Ecrivez-nous dès que possible».
Tout cela n’est pas le fait d’un hasard, ils arrivent à avoir des renseignements sur tout le monde… Nous sommes fichés… partout !... pas difficile de trouver un nom ! Pense Maurice.
Après réflexion… il se dit qu’après tout… puisque c’est gratuit !... Qu’est-ce qu’il risque ?

Maurice passe le reste de la matinée à étudier les moindres mots et le sens des phrases. Toute la lettre de ces deux vieilles femmes est complètement décortiquée, afin de découvrir le « piège » éventuel. Mais il ne trouve rien. Il est possible qu’elles puissent l’aider. Maurice est seul, et il espère le meilleur pour lui. Il décide de répondre à cette lettre.
Maurice pèse ses mots et donne des informations qui ne l’engagent pas trop.
La fin de la journée s’est déroulée normalement et en douceur. Maurice pense à ces deux femmes et à son avenir. Peut-être qu’après tout, sa vie changera grâce à eux… Faire des voyages avec une personne qu’il aimerait. Momo a hâte de recevoir leurs réponses.

Après une fin de week-end paresseuse devant la télévision, recherchant surtout les documentaires sur les voyages à l’autre bout du monde… La semaine a repris son rythme ennuyeux et son mouvement perpétuel. Maurice a croisé à plusieurs reprises la belle Marceline. Ils ont parlés de choses et d’autres… entre autre, de son courrier mystérieux… Marceline semble très intéressée par ce courrier.
Momo a bien tenté de la revoir en cachette, mais en vain. Pas de linge à sécher en semaine !
Si… quelques poses dans le fauteuil du jardin, au soleil… Juste une jambe, une cuisse, des épaules, le début d’un sein… mais c’est tout.

Enfin… c’est le samedi. Momo attend avec impatience une réponse des deux sœurs.
N’y tenant plus, il se lève cette fois de bonne heure… Déjeune rapidement et cours à la boîte aux lettres. Maurice a oublié dans le même temps sa voisine. En descendant le chemin qui mène à son courrier, il la voit dans son jardin en train d’étendre son linge dans la même tenue que la semaine dernière…
— Flûte !... Tant pis !... Le courrier d’abord !
La réponse des deux dames est là. Momo remonte très vite le petit chemin et se retrouve dans son fauteuil. Il ouvre la lettre. « Mon cher M… »  —Cela commence bien, elles m’appellent par mon prénom.
«Nous avons étudiées votre thème et vos problèmes… Nous avons trouvées plusieurs choses intéressantes… bla, bla, bla… Nous avons décidées de vous aidez… bla, bla, bla…».
Maurice lit cette réponse avec grand intérêt. Elle est très longue. Et en effet, les sœurs lui donnent des conseils et toute une série de chiffres avec des dates. « Suivez-les scrupuleusement… Répondez à nos questions, et vous verrez, votre vie changera… Vous connaîtrez le bonheur, vous aurez de l’argent et l’amour vous sourira…  Vous si participez à notre concours de la chance… Peut-être pourriez-vous partir faire un grand voyage très bientôt avec une personne qui vous sera chère… bla, bla, bla… ».
— Pas de doute, elles ont bien cernées mon problème. Dit-il, rêveur.
Elles lui demandent de payer 150 euros pour qu’elles puissent élargir leurs espaces énergétiques et leurs champs magnétiques et d’ouvrir ainsi certaines portes qui changeront entièrement sa vie. « Vous paierez plus tard, une fois que vous aurez reçu le fruit de notre travail… Mais n’attendez pas, car les astres eux changent rapidement, et les portes risquent de rester fermées… C’est le moment idéal pour vous… n’hésitez pas, et répondez dès aujourd’hui…».
— C’est évidement bien tentant. 150 euros c’est beaucoup pour moi. Mais bon !... Je vais peut-être partir en voyage et découvrir l’amour !
Maurice donne sa réponse immédiatement en suivant toutes les recommandations, désirant vivement poursuivre l’aventure.

Une semaine plus tard, il reçoit la deuxième lettre. Momo très excité, car il a passé une semaine quelque peu énervé. Il n’a pensé qu’à ça ! Et là, dès les premières lignes, les deux sœurs lui disent : « Bravo !... Vous avez gagné le voyage aux Antilles, où vous allez pouvoir vivre des moments exceptionnels, et partager l’amour avec une créature de rêve…».
Très enthousiasmé par cette nouvelle… Momo se demande : — Mais avec qui ?... Je n’ai personne !
La suite de la lettre décrit comment il allait faire ce voyage et dans quelles conditions… et comment il rencontrera une jeune femme, belle, intelligente et qui sera totalement folle de lui.
Maurice est de plus en plus nerveux et impatient. Il est tellement heureux qu’il va voir Marceline chez elle pour lui annoncer la bonne nouvelle. Marceline reçoit Momo dans une longue et large robe Antillaise… Légère et à demie transparente. Momo est troublé et balbutie quelques mots de son aventure.
Marceline félicite Maurice de cette bonne nouvelle. Marceline semble amusée par le comportement de Momo. Pour parfaire son bonheur, elle lui montre des photos de là-bas… de sa famille, puis de ses amies. Elle lui explique que les femmes sont très gentilles et très douces… qu’elles aiment les Français dans son genre, et qu’il n’aura pas grand-chose à faire pour leur plaire. Maurice n’en peut plus. Il se voit déjà aux Antilles, entouré de femmes plus magnifiques les unes des autres.
Dans leur lettre, les deux sœurs voyantes redemandent de verser une autre somme entre 450 et 550 euros. Au choix. C’est pour les besoins de la cause… Grâce à ce don, l’une d’elle, entrera en communication avec l’au-delà. Elle expliquera clairement son cas et fera en sorte que les choses se fassent correctement. Cette communication est difficile psychologiquement et c’est en prévision de cela qu’elles me demandent une participation aux efforts qu’elles fournissent. Elles garantissent que le résultat sera efficace et sûr… Qu’il sera entièrement satisfait de leurs prestations exceptionnelles, spécialement conçues pour lui seul. Elles précisent enfin, que la sommes donnée sera en équation avec le résultat.
— Que faire ?... J’ai déjà gagné le voyage. J’aurais en plus des trésors de cadeaux!... Il faut que j’aille jusqu’au bout !... J’envoie 500 euros. Je ne peux pas faire mieux.

La troisième lettre s’est fait attendre un peu plus. Elles expliquent que cela a été très difficile… et que les astres ne l’ont pas spécialement aidés… Mais qu’elles sont arrivées quand même à un bon résultat, et qu’il sera satisfait. Dans cette lettre, se trouve le billet de réservation pour entreprendre le voyage aux Antilles. Tout est payé. Il y a une date fixe. C’est dans un mois !
Maurice a reçu également une photo de la jeune femme. Elle est magnifiquement belle !... et Momo est déjà totalement amoureux d’elle. Elle s’appelle Sydonie.
La rencontre est éminente… Et que cette femme l’aime déjà, et se languie de le voir.
Pour terminer, elles demandent encore de leur envoyer et au plus vite, 150 euros… afin de parfaire ce qui est prévu.
Maurice a envoyé les 150 euros supplémentaire… Depuis, il nage dans un délire et dans un faux bonheur… Il ne pense plus qu’à ça !
Marceline suit de près l’aventure.
Pour combler son attente, Momo observe parfois Marceline à travers ses rideaux en train de prendre le soleil, à moitié nue sur sa couverture. Mais il pense à la sublime Sydonie… qu’il a hâte de connaître.

La date du voyage arrive enfin… L’attente a été longue. Dans une semaine Momo doit partir. Il est nerveux plus que jamais. Il est devenu infernal, et cela fait beaucoup rigoler Marceline.
A la date prévue, Maurice a été prendre des renseignements à l’aéroport… Et c’est la lourde déception.
Le voyage n’existe pas et les billets étaient des faux. Après de difficiles recherches… Pas d’adresse ni de traces des extra-lucides habitant Bruxelles. Non. Rien n’est vrai !... Momo s’est fait avoir !

Maurice n’est jamais parti aux Antilles. Il n’a jamais trouvé cette « Sydonie » qui l’aimait déjà tant.
C’est une très grande déception pour Maurice.
Dans sa grande naïveté, il a déboursé dans cette farce, beaucoup d’argent pour rien.
Ses rêves se sont évanouis, évaporés… Ses châteaux en Espagne se sont détruits… écroulés.

Cette farce, c’est la belle Marceline qui l’a orchestrée. Elle voulait jouer un tour à Momo, pour lui donner une sorte de leçon et le punir de la regarder en cachette. Elle aurait aimée qu’il lui avoue son attirance pour elle… car elle aussi a des sentiments pour lui.
Elle lui rendra quelques semaines plus tard tout son argent… Tout sera pardonné… Et ils deviendront les meilleurs amis et amants de monde et seront très heureux ensemble.

Fin