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J2M - 2010

L’EVEIL

La Peau… voilà un thème merveilleusement bien trouvé.
Elle nous accompagne tout au long de notre vie humaine sur terre... Elle est par définition, notre « enveloppe » notre « protection » et notre « repère ».

Je vais tenter d'exprimer mes sensations les plus extrêmes... Remontant au plus loin de mon enfance... Et peut-être ainsi, pouvoir mieux comprendre.
La peau est pour moi un élément catalyseur qui enveloppe de toute mon existence.
Résultat alchimique complexe qui a construit l’homme que je suis devenu... Qui m'a fait prendre conscience de l'essentiel et de ce qu'il y a de plus important en moi.
J'ai 63 ans, et mon parcours d'homme actuel est le résultat d'un long apprentissage qui tourne autour de la peau, de sa matière et des sensations qu'elle procure.

Je vous invite donc à m'accompagner dans ce voyage de l'éveil des sens... afin de partager ensemble mon parcourt et mes différentes périodes de découverte, avec mes émotions, mes troubles, ainsi que mes réflexions les plus intimes.
Nous partirons de ma plus jeune enfance, en passant par l'adolescence... puis de jeune homme... Pour arriver à ma vie d'homme mûr.

Comme tous les bébés qui naissent, le premier contact fut celui de ma mère en tant que « Personne ». Mais avant elle, ce fut sa chair et sa peau. Bien sûr, je n'en ai pas de souvenirs. Mais je pense que pour tous, ce premier contact de peaux qui se touchent et qui se frottent, reste inconsciemment gravé à jamais dans nos mémoires. Après, c'est ce que nous en faisons qui fait toute la différence.

Mon premier éveil à la sensualité et d'ordre sexuel est arrivé de très bonne heure.
J'avais pour marraine une jeune femme qui s'appelait Hélène... une amie de ma mère et de ma sœur. Aujourd'hui disparues. J'avais dans les deux ans, peut-être un peu plus... Je ne m'en souviens pas. Mon premier souvenir sensuel s'est produit dans ses bras.
J'aimais me blottir contre elle... dans ses bras douillets et confortables. J'ai un souvenir vague de cette jeune femme, mais ce que je me rappelle, c'est qu'elle était légèrement ronde, que sa peau était blanche, fine et lisse... et qu'elle sentait merveilleusement bon. Elle sentait la fraîcheur. Je ne sais pas ce qu'elle faisait dans sa vie, mais cette jeune femme était d'une grande douceur et d'une nature très calme. J'aimais rester le plus longtemps possible contre elle, le nez blotti dans son aisselle. Ses aisselles sentaient légèrement la sueur fraîche et cette odeur particulière était très enivrante. Je suis certain aujourd'hui, qu'elle a été mon point de départ principal pour l'éveil de ma sensualité, de ma sexualité et déterminant pour mon attirance vers les femmes.
A cette époque je ne le savais pas, bien évidemment... mais ce souvenir est resté intact  dans ma mémoire. Tellement présent que j'en ai encore l'image. Elle portait une robe blanche très échancrée au cou, à manches type « ballon » et courtes. Ses cheveux étaient frisés et longs, presque blonds... et sa voix était très douce.
Le fait d'être très jeune et d'aimer être dans les bras d'Hélène est un symbole révélateur. Ne dit-on pas que c'est à l'aisselle des feuilles que naissent les rameaux, issus des bourgeons auxiliaires ?
Cela veut peut-être dire que c'est là, dans le creux de ses bras que j'aurais connu une seconde naissance de la plus haute importance... me donnant à cette occasion toutes les données sur ma future vie d'homme.
Ce point de départ a été l'essence même de ma formation physique et psychologique. Tout d'abord le corps, les bras et les seins de ma maman... puis ce passage déterminant avec ma marraine Hélène.

Je n'ai pas cessé d'être par la suite considérablement sensible à l'odeur et au toucher de la peau... par à sa couleur, son aspect... et à sa douceur.
Dès les premiers jours de notre évolution et de notre éducation... nous nous fixons très vite des repères. Prenons comme exemple tous les animaux de cette planète... Ils ont tous, dès la naissance des repères... odeur, couleur, matière, forme... etc... Qui restent en eux tout au de leurs vies.
Chez les humains, c'est pratiquement la même chose... Dès les premières heures de notre existence, un choix subtile se construit et définit nos goûts : peau blanche, rose ou presque transparente... peau mat, soyeuse ou lisse... peau granuleuse, à petits boutons ou avec des taches... avec ou sans poils... la peau noire, bronzée ou africaine... etc.
Mon choix est déterminé. Je ne m'impose rien, cette préférence est en moi. J'aime les peaux soyeuses, fermes et lisses... selon le terme « peau de pêche ».
La couleur m'importe peu... blanche, jaune, rouge, mate ou bronzée, ou carrément noire... Le principal pour moi c'est qu'elle sente bon, qu'elle soit extrêmement douce et ferme. Et qu'elle possède le moins possible d'aspérités.
Lorsque je suis avec une femme, c'est la première chose qui attire mon attention. Je suis très sensible à ça. C'est loin d'être une sorte de maladie ou d'être possédé par une obsession quelconque... c'est tout simplement très important pour moi.
Par conséquent, je sais à l'avance si une relation sentimentale ou amoureuse durera ou pas. J'avoue que c'est parfois frustrant !
Ce qui est certain, c'est que j'ai toujours recherché inconsciemment chez une femme, ce que j'avais connu dans les bras d'Hélène, ma marraine.
Durant ma prime jeunesse au jeune adolescent, sensible aux relations... Je n'ai eu que des contacts sensuels avec les personnes qui m'attiraient le plus. Homme ou femme. Mais en général, c'était le plus souvent avec les femmes.

Ma maman était une fine et talentueuse couturière... Elle a travaillée à la maison pendant de nombreuses années dans une chambre du premier étage.
Dès que je rentrais de l'école, je montais rapidement pour lui dire bonjour et pour lui raconter ma journée. Elle sentait bon. Sa peau sentait la femme.
Puis j'en profitais pour fouiner dans ses tissus. Pour les toucher, les froisser, les caresser et respirer leurs odeurs. C'est très sensuel un tissu. J'aimais certaines matières qui me faisaient vibrer et qui déclenchaient en moi des vibrations de plaisirs encore inconnues.
C'est à cette époque que j'ai compris que certains tissus étaient aphrodisiaques et  qu'ils pouvaient devenir une deuxième peau... une autre enveloppe... une autre apparence.
L'être humain l'a bien compris, et il en joue souvent.
 
Ce n'est que plus tard, vers mes 13 ou 14 ans que ces sensations vibratoires me troublaient physiquement. Pas au point d'être complètement gêné... mais suffisamment quand même, pour y ressentir des mouvements inhabituels dans le ventre et dans mon métabolisme en désordre. Ce n'était pas... fort heureusement pour moi et pour mon développement futur... une obsession maladive, mais certains tissus me donnaient véritablement un « certain » plaisir que l'on peut nommer de sexuel.
C'était là, un rapprochement ou une substitution naturelle avec le corps, ou à la peau d'une jeune fille. Fille que je n'osais pas encore approcher... ni toucher.

J'ai découvert que tout mon corps changeait, qu'il s'opérait en moi tout un changement et toute une transformation compliquée qui me dépassaient. Je commençais à regarder les filles de mon âge et les femmes un peu plus âgées plus attentivement et d'une autre façon... J'étais très sensible et plus attentif à leurs odeurs, à l'aspect de leurs apparences et de leurs peaux.
J'ai compris alors que je voulais apprendre un métier qui aurait un rapport direct avec ses matières qui donnent ces sensations merveilleuses.
Après de longues études et de nombreuses années d'apprentissage dans le monde de la décoration et du spectacle, je suis devenu peintre décorateur... Puis, chef décorateur, scénographe pour l'opéra... et en particulier : créateur de décors et aussi de costumes.
Pendant des années, j'ai créé des costumes de scène (opéra, opérette, théâtre, comédie musicale, ballet, music-hall), et pour la haute couture.
Ce qui est passionnant dans la création d'un costume de théâtre, c'est qu'à partir d'un artiste qui a sa propre personnalité et une morphologie unique, on doit en faire un autre personnage souvent diamétralement opposé à ce qu'il peut être dans sa vie privée.
Il faut l'aider à se transformer pour qu'il puisse trouver le bon ton, le bon geste et la bonne attitude. Alors, réinventer le choix des formes et des volumes, des couleurs et des matières qui vont lui coller au plus près... c'est très important. La métamorphose du comédien (ou de la danseuse) doit se faire sans douleur et sans contrainte, tout en respectant bien sûr, un cahier des charges parfois rigoureux, soit d'une part ; le style et le genre du spectacle... et d'autre part ; la production, la technique et l'aspect financier.
Il faudra donc trouver les bons éléments qui aideront le comédien à devenir quelqu'un d'autre. Le principal est de respecter son confort et sa personnalité. Le costume doit être fait spécialement et fabriqué pour le comédien (ou pour la danseuse)... sorte de deuxième peau qui fera partie intégrante du personnage.
Le principe est simple... à l'intérieur se trouve le cœur et l'âme, c'est à dire le talent personnel du comédien... et à l'extérieur, la nouvelle peau qui représente symboliquement le nouveau personnage.
Le choix du tissu est donc très important. Le costume doit être si confortable que le comédien (ou la danseuse) doit oublier qu'il est travesti ou déguisé... sans toutefois jamais l'oublier. Dans le spectacle on dit qu'il est « costumé ».

Travailler à partir et autour d'un corps vivant m'a toujours passionné. Et tout particulièrement autour de la femme. J'y découvre des sensations sublimes, remplies de douceur et de volupté, et chaque fois nouvelles.
Il m'est arrivé également à plusieurs reprises, d'avoir à intervenir directement sur la peau du comédien, de la danseuse ou d'un modèle... à y mettre une matière spéciale. Soit par exemple, de la peinture ou faire un moulage... Hé bien là encore, je dois respecter totalement la douceur et la fragilité de sa peau. Je m'efforce de trouver « la » bonne matière, afin que la peau du modèle ne puisse pas subir le moindre désagrément.
C'est passionnant de sentir la vie à travers cette fine peau qui nous enveloppe tout le corps. Sa couleur est exceptionnelle. Que l'on prenne un blanc, un rouge, un jaune ou un noir. La couleur de la peau est un magnifique mystère d'alchimie. Suffisamment opaque... et juste ce qu'il faut de transparence.
Et cette couleur, cette matière, cette texture... j'aime aussi la peindre.
J'aime la représenter et la mettre en valeur à travers des peintures à l'huile, où je représente, en collaboration complice avec mes modèles... sous des poses étudiées... le meilleur du visible que le corps humain peut nous offrir... je veux dire : sa peau.
Je ressens toujours beaucoup d'émotion et d'amour, lorsque je peins un nu ou une partie d'un corps... ou bien encore le drapé d'un tissu.
Cette sensation, qui touche le merveilleux et le sublime... me fait la même impression que lorsque je me retrouvais dans les bras de ma marraine Hélène... C'est à chaque fois un plaisir intense et enivrant.
Tout en étant différents, ces plaisirs se ressemblent... et perdurent.

Voilà !... Notre voyage à travers l'éveil des sens concernant la peau est terminé.
Merci d'avoir partagé avec moi toutes ces époques marquantes et essentielles pour ma vie d'homme.
Aujourd'hui, je suis à la retraite... plus conscient que jamais des vraies valeurs qui nous entourent, je continus de peintre la vie avec ses émotions et ses mystères... Je m'efforce également d'écrire la vie des êtres vivants dans la sincérité, dans le respect d'autrui, et le plus honnêtement  possible.

Chose curieuse et amusante... Nous sommes en 2010 et je n'ai plus 20 ans. Je me suis remarié il y a quatre ans avec une « Elena » d'origine Russe, qui veut dire aussi Hélène. Elle a le culte de la beauté... cela fait partie de la culture très riche du grand Est.
Elena est belle avec beaucoup de charme.
Sa peau est mate, extrêmement douce, soyeuse, ferme et lisse.

La boucle est bouclée !

Quant à moi... ma peau a un peu vieillie depuis ma marraine. Certes, il y a quelques taches ici et là... mais elle est restée douce et très agréable. Elle enveloppe un corps encore alerte au cœur jeune et ouvert... et qui n'est pas déformé.

Fin