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J2M - 2010

L’amour de Lumière

En mission archéologique dans la Haute Nubie depuis quatre mois, Antony se repose enfin de sa dure journée de travail.
Loin de la poussière et de la chaleur étouffante, Antony est allongé dans un fauteuil en osier, en sirotant du thé glacé. Il regarde pensif, les premières étoiles qui percent le ciel de leurs rayons lumineux et qui vont se refléter dans le miroir déjà foncé du grand fleuve. Il est tard, et un grand voile sombre envahi tout doucement le ciel qui était encore, il y a quelques instants, d’un bleu profond.
Le Nil lui aussi se teinte d’encre noire… Ce qui fait ressortir les reflets lumineux qui frisent sa surface, par petites touches d’argent éphémères.

L’ancienne Nubie n’est plus qu’un mythe. Née du fleuve, elle mourut par ses eaux.
Le peuple a été exproprié et déplacé. Mais les Nubiens n’abdiquent pas et luttent encore aujourd’hui pour garder leurs identités en créant peu à peu une nouvelle Nubie.

Antony va avoir 39 ans dans quelques semaines. Beau garçon et toujours célibataire.
Il a bien eu quelques aventures avec des jeunes femmes, lorsqu’il était étudiant… Hélas, ses études l’ont trop absorbé et il n’a pas vu le temps passer. Bien sûr, il aimerait avoir une compagne car c’est parfois dur d’être seul… Il estime qu’il n’a pas suffisamment de temps libre pour rentrer dans une relation sérieuse. Il doit tout d’abord construire sa carrière professionnelle. C’est difficile dans ce milieu… il y a de la concurrence.
—    De toute façon, comment pourrais-je trouver une femme dans ce désert ?
Antony est un homme sérieux, travailleur, simple et droit. Il n’aime pas l’injustice et il respecte la différence. Il n’aime pas les situations obscures ou troubles. Il aime avant tout, la franchise et l’honnêteté. Il n’a jamais été trahi… mais il pense qu’il n’aimerait pas cela !
Sa situation financière n’est pas encore stabilisée et il n’est pas bien riche. Il pense que cela se débloquera s’il réussit à mener à terme ses fouilles et ses recherches dans ce désert.
Ça vaut le coup de faire quelques sacrifices !
Après de longues études en histoire de l’art, puis en archéologie… Le British Muséum de Londres (Musée d’histoire et de la culture humaine) en collaboration avec le grand Musée du Caire… l’a engagé pour effectuer des fouilles et des recherches particulières dans la Haute Nubie. Le British Muséum possède une des collections des plus importantes, avec celui du Caire… sur toute l’histoire de l’Egypte ancienne.
Le gouvernement Egyptien est également dans le coup et apporte une aide logistique et des moyens techniques. Situation obligatoire pour obtenir les autorisations nécessaires pour pouvoir procéder à des fouilles. C’est entre autre, le service culturel du Caire qui en a la responsabilité et la direction.
Antony travaille sur un site pas très loin de Habou Hamed, où il réside… à environ 40 km au sud, et à 520 km au nord de Khartoum. Le site où il fouille, est entre la 4ème et la 5ème cataracte.
A cet endroit les archéologues ont déjà démontré dès 1998, la présence d’un très vieux fort, de l’époque chrétienne, puis d’un cimetière post-méroïtique (le méroïtique est une langue qui fut parlée dans le royaume de Koush, au nord de l’actuel Soudan)… Mais aussi des inscriptions sur un massif de quartz situé à Kourgous (1500 ans av JC), qui culmine à 23,60 m et qui mesure 40 mètre de largeur. Qui est nommé le Hagr el-Merwa.
Durant des générations, les tributs Nubiennes ont considérés ce massif comme un lieu sacré.
Les conquérants Egyptiens ont fait de ce massif une stèle-frontière. Cela marquait en particulier le début de la XVIIème dynastie.

Antony et son équipe de volontaires doivent retrouver des textes importants qui ont été perdu, ou bien égarés volontairement. Il s’agit de textes originaux en méroïtique de grandes qualités, gravés sur des tablettes de quartz noir… (Très rares !)... avec des listes concernant des prêtres, des scribes, des militaires et des cadres administratifs qui accompagnèrent les expéditions au Hagr el-Merwa. Et où la grande épouse royale de Tholmès 1er, et la mère d’Hatcheptsout y seraient mentionnées.
Ce site est désormais perdu dans une plaine devenue désertique.
Ces tablettes perdues sont un morceau du puzzle essentiel pour éclaircir l’histoire. Ces textes et ces listes sont la clé de bien des mystères. Par conséquent, les retrouver ferait faire un bon en avant à l’histoire concernant cet ancien peuple et de la Haute Nubie… et qui ferait plaisir également aux scientifiques de tous poils et qui rendrait riche son inventeur.

Antony est inquiet, car il piétine dans ses recherches. C’est pour lui incompréhensible. Pourtant il est quasiment sûr de fouiller au bon endroit. Il sait que chaque jour qui passe, coûte beaucoup d’argent et lui fait baisser sa côte.
Demain, il révisera toutes ses notes, ainsi que les écrits et les paquets de documents qui ont été mis à sa disposition par les deux grands musées. De plus, il est harcelé tous les jours ou presque, par le service culturel du Caire… et en particulier par son directeur adjoint, Monsieur Ahmed SHETATA, qui a les pleins pouvoirs. Égyptien dans la cinquantaine bien sonnée. Carriériste aux dents longues et très envieux. Homme politique et homme d’affaires souvent douteux, ayant de grosses ambitions au sein du gouvernement de son pays.

La nuit est maintenant complètement noire, lorsqu’un de ses compagnons de fouilles l’interpelle… le faisant sortir de ses méditations ennuyantes. C’est Kémi, son fidèle serviteur… ou plutôt, son fidèle secrétaire… ou bien encore, la personne qui a été mise à sa disposition pour le servir et l’aider dans ses tâches journalières. Kémi est un homme de 55 ans qui connait parfaitement la région, puisqu’il y est né. C’est un Nubien de pure souche. Kémi veut dire « le noir » et c’était le surnom d’Osiris, dieu de l’antiquité égyptienne. Il a perdu sa femme et ses deux enfants lors d’un naufrage de bateau sur le Nil en crue, il y a quinze ans. Il a traversé une très longue période de désespoirs profond. Un ami qui travaille aux fouilles depuis des années l’a fait rentrer dans l’équipe. N’ayant pas de diplôme particulier, il sert ceux qui ont besoin de lui. Sorte de valet ou de boy qui doit rendre la vie de son maître… ou de son patron, plus facile. C’est un homme de cœur, gentil et serviable, extrêmement correct, poli, dévoué, et qui possède de grandes qualités morales.
Kémi s’inquiète du moral de son Patron. Il n’aime pas voir les gens qui se sentent mal.
—    Il est tard Patron… Vous ne vous couchez pas ?
—    Si, bien sûr Kémi… Je réfléchis.
—    Une tasse de café ?
—    Non merci Kémi… c’est gentil… Mais j’ai encore beaucoup de travail qui m’attend… et je dois me lever tôt avant les grandes chaleurs de midi.
Antony a une grande estime pour son serviteur dévoué. Il le respecte et fait tout ce qu’il peut pour lui rendre la vie, à lui aussi… plus facile.
Sur ce, les deux hommes de disent bonne nuit et se séparent en direction de leurs chambres…
Chambres qui ne sont pas vraiment des chambres comme on les connait, entre quatre murs, un lit, une lampe de chevet… Non, là, c’est plutôt du style « camping ». C’est une série de grands marabouts en grosses toiles kaki, venues d’un stock de l’armée russe il y a plusieurs années.
Antony loge dans l’une d’elle. Il a tout ce qu’il a besoin… même une salle de bain !... Baignoire en fonte et eau chaude qu’il faut faire chauffer sur le grand feu de bois qui se trouve au milieu du campement. Les hommes se salissent rapidement et il y a beaucoup de poussière. L’eau froide vient du Nil… mais l’eau buvable vient d’une petite source qui se trouve à une heure de marche… 10 minutes en voiture… dans une petite montagne, plus à l’est.
Kémi dort juste à coté, dans une tente moyenne. Antony a exigé qu’il puisse avoir lui aussi, un maximum de confort.

La nuit a été mouvementée pour Antony. Il a passé toute une partie du temps à élaborer des plans, comme une obsession, pour retrouver ces tablettes. Il a dormi en pointillé. Puis il a fait un rêve… plutôt une sorte de cauchemar !
Dans son rêve, il était en train de creuser le sable avec ses mains nues. Plus il creusait, plus le trou se rebouchait. Il devait accélérer ses mouvements pour que le sable ne puisse plus redescendre.
Ses mains étaient en sang, lorsqu’il dégagea une trappe en bois. Qu’il ouvrit… Trappe en bois qui était devenue entre temps, en plastique. Il arriva dans une grande pièce totalement vide. Dans le fond de cette pièce qui était très propre, sans un grain de poussière, il y avait une autre trappe en bois. Il l’ouvrit… plusieurs marches s’engouffraient dans le noir. Puis d’un coup, des torches s’allumèrent.
Surprise !... Il était dans la cabane de jardin à son père. Des outils de jardinage étaient adossés sur les murs. La pièce était remplie de toiles d’araignées et de poussière… Beaucoup de poussière !
Il se demanda pourquoi il se retrouvait là !... Sur sa droite, sur un mannequin en jonc où il y avait dessus, un vêtement de femme. Sorte de robe en toile de lin blanche très lumineuse, avec de longs rubans de soie rose… et pour couvrir le tout, un large chapeau de paille en lambeaux.
Puis dans le fond de la pièce, une sorte de malle en bois entourée de fils de fer barbelés recouvert de toiles d’araignées. Alors, avec ses mains déjà en sang… il enleva les fils en tirant vigoureusement dessus, qui claquaient comme des vieux élastiques. Il ouvrit le couvercle, mais il découvrit qu’un tas de poussière. Il fouilla dedans, puis retira sa main vigoureusement car quelque chose à bouger ! C’est un serpent qui jaillit du tas de poussière, crachant et menaçant, puis s’évapora en poussières.
Antony fit un pas en arrière. Puis refouilla encore et sentit des objets plats. Il tâta… retâta encore… et soudain il comprit :
—    Ce sont les tablettes !
Mais au moment où il allait se saisir de l’une d’elles, une voix puissante s’écria dehors.
—    Antony… Antony, vous êtes là ?... Je sais que vous êtes là !... Montrez-vous !
Il reconnaît tout de suite la voix menaçante et autoritaire du directeur adjoint à la culture !
Antony se réveille brusquement. Il est en sueur et le cœur battant,.
—    Quel rêve idiot ! Avait-il dit, en s’épongeant le front.

Sa nuit a été un enfer. Antony a toujours envie de dormir et il se sent nerveux. Mais il faut se remettre au travail.
Pendant qu’il déjeune… Antony pense à ce maudit cauchemar. Que pouvait-il bien signifier ?
—    C’est totalement absurde. Je suis trop obsédé par ces recherches !
Kémi se rend bien compte de l’état de son patron, mais ne dit rien. Il le sert en silence, comme à son habitude. Pour lui, c’est une journée comme toutes les autres.

Il était presque 11 h. Antony vient de remonter d’un puis, lorsqu’il entend le bruit d’un moteur d’hélicoptère.
—    Ça… c’est le directeur adjoint ! dit-il d’un air agacé.
L’engin volant se pose soulevant une tempête de poussière… Et en effet, c’est Monsieur Ahmed SHETATA qui vient pour la unième fois, lui rendre visite.

Les deux hommes s’opposent.
Le directeur belliqueux est en costume blanc, très blanc… Chaussures noires et blanches et un borsalino blanc avec un ruban noir, comme dans les années 30… Très chic, très propre sur lui… Il ne lui manque que la canne en ébène et pommeau en boule d’ivoire !
Antony lui, est couvert de poussière. Veste et pantalon usés en toile beige ou gris, style militaire… une grande écharpe légère, anciennement blanche, jaunie par la sueur autour du cou, des chaussures en toile pour la randonnée et un chapeau en cuir marron/gris très sale et quelque peu déformé.
Antony retira ses gants de cuir jaunis et troués pour saluer le directeur, qui retient son chapeau de sa main gauche pour ne pas qu’il s’envole.
Ce matin, il y a du vent… et donc, beaucoup de poussière !
Antony teint son foulard devant son nez et sa bouche, pour ne pas respirer cette poussière fine et pénétrante.
—    Bonjour Monsieur l’archéologue. Fit le directeur en plissant des yeux.
—    Bonjour Monsieur. Répéta Antony.
—    Il n’y a pas un autre endroit pour parler ?...
—    Si. Venez… Allons dans cette tente.
Une fois à l’abri du vent, les deux hommes se retrouvent dans le calme. La toile de la tente s’agite par à-coups. Les piquets et les cordes grincent et gémissent, subissant les assauts puissants des rafales.
—    Quelle tempête !
—    Oui… Elle a été annoncée… Elle risque de durer un moment.
Les deux hommes se regardent et se jaugent, car ils ont des rapports qui sont toujours tendus.
—    Cette tempête ne va pas nous aider. Enchaîna Antony.
Le directeur s’essuie le visage avec un mouchoir blanc en tissu. Il prend un air sombre des mauvais jours et semble se concentrer. Son visage est tendu.
—    Voilà. Nous devons parler. Mais avant de poursuivre, il demanda de l’eau à Antony.
Antony lui fait un signe de la tête, lui désignant une carafe et un verre sur la table, là.
—    Bien. Merci. Antony, ce que je vais vous dire ne va pas vous faire plaisir.
—    Dites toujours.
Le directeur adjoint explique que les résultats ne donnent pas satisfaction, et que par conséquent, il faut revoir toutes les clauses du contrat. Que la direction lui a fait suffisamment confiance, mais qu’ils sont désormais déçus, car les objectifs espérés n’ont pas été atteint. Beaucoup d’argent a été englouti pour rien et sans de résultat !
Antony explique qu’il y a eu beaucoup de malchance, car des puits se font effondrés, des réserves ont brulées, et du matériel a été probablement volé ! Beaucoup d’évènements étranges se sont passés. C’est incompréhensible car ces faits sont restés inexplicables.
Pourtant, Antony affirme qu’il est totalement certain d’être au bon endroit.
—    Des vols ! Répéta le directeur adjoint.
—    Oui… très exactement. Reprit Antony, affirmatif.
Il cite le cas où ils ont découvert en fin de la journée d’hier, une malle en bois d’environ 60 cm de long, 35 de large et 40 de hauteur, sculptée, assez banale, dans une petite chambre funéraire. Elle était posée sur une stèle en pierre. Pour protéger la malle, il y avait une natte en papyrus. Il était déjà très tard, alors nous avions pris la décision de revenir que le lendemain matin pour l’examiner.
—    Hé bien, lorsque nous sommes entrés à nouveau, la malle avait disparue !
A croire que quelqu’un souhaite faire échouer cette entreprise ! Reprit un Antony très énervé.
Monsieur SHETATA semble étonné et se frotte le menton.
—    Vous pensez donc qu’il y aurait des voleurs ici ?... Vous pensez qu’il y aurait une personne qui ne souhaite pas que vous puissiez trouver ces foutues tablettes ?... Vous vous moquez de moi ?...
Dit-il en colère.
Antony essaie de garder son calme, et répond calmement que oui, effectivement.
Le directeur tourne sur lui-même. S’énerve et gesticule en faisant de grands gestes.
—    Pas la peine de vous énerver comme cela !... Il faut mener une enquête, voilà tout !
—    Une enquête ? Et puis quoi encore ?... Vous croyez que l’on vous donne de l’argent pour ce genre de bêtises ?
Antony ne lui donne pas de réponse, tente de rester calme et reste silencieux.
—    De toute façon… Reprit le directeur adjoint… J’ai décidé de faire un Audit de ce chantier… Et on verra bien !
—    Un Audit ? S’exclama Antony hors de lui et qui ne peut plus se retenir.
—    Hé oui mon petit bonhomme !... Nous allons savoir si ces recherches valent vraiment le coup, et si vous n’êtes pas un de ces charlatans d’archéologues !
Antony qui était assis sur le rebord de la table, se relève brusquement car s’était trop !
—    Vous vous permettez bien des choses Monsieur SHETATA, soyez respectueux au moins, directeur de mes deux !... à défaut d’être intelligent !
Les deux hommes sont en rages et la tension monte. Ils commencent à se jauger dangereusement.
Ils ont prêt à en venir aux mains.
Soudain, Kémi entre dans la tente, et les sépare. Il était moins une !
—    Messieurs !... restez calmes !
—    Vous avez raison… Je ne veux pas me salir ! Balbutia le directeur…adjoint.
Le directeur reprend une allure plus fière et plus droite en tentant de montrer qu’il maîtrise son calme.
—    Demain arrivera ici même une personne experte pour ce genre de constat.
Restez totalement à sa disposition, montrez lui tout le chantier, vos projets, vos découvertes et répondez à toutes ses questions. C’est un ordre !
Kémi retient avec beaucoup de mal Antony qui n’en peut plus… Il souffle comme un buffle qui va charger. Puis, le directeur arrogant tourne les talons, réajuste son chapeau, brosse son costume blanc du revers de la main, qui a failli devenir vite sale… si Kémi n’était pas intervenu à temps.
—    Salut ! Et l’homme en blanc disparaît dédaigneusement.
Antony est rouge violacée de rage.
—    Quel pourriture cet homme !... Je suis certain que tous nos problèmes viennent de lui !
Kémi tente de calmer l’archéologue en lui disant que cela ne vaut pas le coup de s’emporter comme cela. Que demain, il avisera… et qu’il trouvera très certainement un arrangement… et que le travail reprendra normalement.
Petit à petit, Antony a retrouvé tout doucement son calme. Il s’est assis et boit un verre d’eau tiède.
—    Pouha !... S’écria Antony. Tout est pourri ici !
Kémi le regarde et se met à rire. Antony admet sa colère inutile et se met lui aussi à rire.
—    Allez !... Demain est un nouveau jour !
Les deux hommes qui s’apprécient se lèvent, et retournent au labeur dans la poussière et le vent, bras dessus, bras dessous, en se tapant sur l’épaule. La tempête est toujours là et lamine le campement par rafales. Difficile de travailler dans ces conditions.

Les coups de vent n’ont pratiquement pas cessés de la nuit. Le calme est revenu que vers les 5 h du matin. Pas facile de dormir dans ce caprice de la nature… avec sans cesse des craquements et des claquements.
Ce matin, il règne une ambiance morose dans le campement. Les hommes sont fatigués, pour ne pas dire épuisés. De son coté, Antony n’a pas vraiment le moral et se demande quand arrivera cette personne payée pour tout démonter.
Il sait que le chantier tourne mal… Il y a du découragement dans l’air, et tous les professionnels et tous les volontaires de ces fouilles improbables n’y croient plus.
Où sont ces tablettes ?... Où peuvent-elles bien être ?... Que sont-elles devenues ?

Antony termine son petit déjeuner, lorsqu’il entend un véhicule pénétrer le campement.
C’est un gros 4x4 japonais. Il s’immobilise. Le chauffeur sort rapidement, contourne le véhicule, ouvre la portière, et une femme sort. Elle est en robe blanche, légère qui s’envole au vent, recouverte d’un châle rose et or, et un chapeau de paille pour se protéger du soleil. Très élégante et gracieuse.
Antony remarque sa peau teinté et ses cheveux noirs. Elle tient dans sa main une serviette marron.
—    Que cette femme à l’air décidée !… Dit-il, écœuré.
Dehors, la femme s’adresse à un homme qui s’affaire à son travail.
—    Bonjour Monsieur… Pardonnez-moi… Je voudrais voir Monsieur Antony, l’archéologue et le responsable de cette mission ! Fit-elle, d’un ton haut et très sûr, qui donne l’impression d’être une femme de décision.
L’homme indique à la femme la direction où se trouve Antony. Après un « Merci » très bref, elle parcourt les quelques trente mètres qui les séparent.
—    Monsieur Antony ?
—    Oui Madame, c’est bien moi.
—    Je voudrais voir aussi l’archéologue ainsi que le responsable de ce campement. Merci de bien vouloir les appeler.
Antony est surprit du ton hautain que cette femme a pris.
—    Bonjour ?...
—    Heu… Oui, Bonjour… Reprit-elle, un peu gênée.
—    Nous sommes tous là. C’est moi. Je suis les trois à la fois Madame. Madame ?...
—    Madame Mwayé MOUBARAK. Experte en Audit. Je travaille pour le compte du service culturel du Caire. Je suis mandaté et j’ai les pleins pouvoirs.
En tendant maladroitement la main à Antony.
—    Oui… Je sais… Je dois vous montrer tout le chantier et me mettre entièrement à votre disposition. Je sais. Monsieur SHETATA, le directeur adjoint, m’a déjà mis au parfum.
Antony est amer et répond d’un ton sec et peu aimable. Il sent que cette entrevue sera difficile.
Et comme elle est mandatée par l’adjoint lui-même… elle aura donc reçue des ordres bien précis.
Antony a aussi remarqué que la dame était d’une beauté rare… Ses yeux noirs très profonds de caractères, ne le laisse pas insensible. Cette dame possède énormément de charme.
Sous ses airs de femme forte et autoritaire, il doit y avoir sous cette carapace une personne tendre et douce… et aussi certainement fragile.
Pendant quelques instants, leurs regards se fondent. Œil bleu contre œil noir… lequel sera le plus fort ?
Après cette minute de trouble… des deux côtés d’ailleurs… Antony brosse légèrement sa tenue et l’invite à prendre la direction des opérations.
—    Je suis à votre service Madame. Dit-il d’un ton ironique tout en faisant un geste de danseur.
Vous êtes de la famille du Président ? (Mohammed Hosni Moubarak).
—    Non. Rien à voir. Répondit-elle d’un ton sec.
—    Ho pardon ! Antony part dans un fou rire !
—    Pourquoi riez-vous ?
Antony lui explique que la situation est ridicule. Qu’elle n’a pas besoin de prendre un ton aussi sévère et si dur.
—    Nous ne sommes pas des ennemis et si nous devons collaborer ensemble pour mener à bien votre travail. Faisons la paix maintenant, ainsi tout se passera bien. Croyez-moi. Vous n’avez rien à craindre de moi.
Antony a retrouvé son calme et se veut rassurant.
La femme sourit… hoche la tête et s’immobilise.
—    Vous avez sans doute raison. C’est ridicule.
—    On fait la paix ?
—    C’est d’accord ! Fit-elle en souriant. Ils se serrent la main d’une manière plus chaleureuse et plus énergique que La première fois.
—    Appelez-moi Antony.
—    Moi c’est Mwayé. Et je n’aime pas ce nom.
—    Pourquoi ?
—    C’est comme ça ! Dit-elle d’un ton bref.
—    Mwayé… Mwayé… Ce n’est pas d’origine Nubienne ?... C’est je crois, un prénom qui était utilisé dans la très vieille Egypte.
Mwayé est surprise par tant d’érudition.
—    Oui, c’est exact… Comment savez-vous cela ?
—    Ha, mais c’est mon métier Madame Mwayé de connaître tout ce qui se rapporte à l’antiquité !
Ils se mettent à rire ensemble de la situation. Cela détend l’atmosphère qui commençait à être un peu lourde. Antony sent son parfum l’envahir, comme si il y avait formée une spirale autour de lui.
—    Vous allez rester combien de jours parmi nous ?...
—    Je ne sais pas… Le temps qu’il faudra. Dit-elle mélancolique.
Sans le savoir, Mwayé se sent désormais bien auprès d’Antony. Et c’est la même chose pour lui !
Tout ce qu’elle sait, ou se doute un peu… c’est que cette fois, sont travail ne se déroulera pas comme toutes les autres enquêtes.

A partir de ce moment là, ils ne sont plus quittés de la journée. Antony l’a emmené partout.
Elle a d’abord visitée tout le campement… Les équipements, les installations, l’intendance… vérifiée le confort, les commodités… etc. Puis, il lui a fait visiter les fouilles et des endroits merveilleux qu’elle n’imaginait même pas.

Assis tous les deux sur une balustrade en bois. Antony est intarissable sur l’Egypte et sur l’histoire de ce peuple Nubien. Curieuse et interrogative, Mwayé pose et repose des questions sur les mystères de la Nubie. Antony tente de lui donner des réponses à la hauteur de ses questions, voire plus.
—    Etymologiquement, le mot « Nubie » apparut au Moyen âge et semble être issu du mot : Nobade… Peuple tribal qui envahit le royaume de Koust vers 400 av J.C., puis qui fut converti au christianisme au VIème siècle après J.C. Formant ainsi des royaumes dits « Nubiens ». Aujourd’hui, ces nobades vivent aux environs de Khartoum et ne sont pas à confondre avec les Nubiens qui sont localisés vers Kom Ombo et Assouan… Ceux-là parlent un tout autre dialecte.
—    Il y a un rapport avec les anciens Egyptiens ?
—    Oui, bien entendu. Reprit Antony. La Nubie antique fut longtemps un centre d’intérêt capital pour l’Egypte. Par ses ressources minières (Or, argent, cuivre, améthyste ou diorite… Mais également l’ivoire, l’ébène, les peaux de panthères, les plumes d’autruches…) Qui regorgeaient les entrailles de ce vaste espace caniculaire. Puis enfin, par ses hommes réputés pour leurs habilités à manier l’arc. Toutes ces richesses entraîneront les Egyptiens à mettre en place une politique visant à coloniser ces contrées, pour en tirer le meilleur profit.
Nommée « Ta-Sety », nom Egyptien signifiant : Pays de l’arc, ou Ta-Khenes. Ou bien encore : Terre courbée. Décrivant essentiellement la région entre Thèbes et Assouan.
L’Egypte éternelle, c’est eux… les Nubiens !
—    Il y a deux Nubie ? Continua Mwayé, toujours très curieuse.
—    Effectivement. « Wawat » pour la Basse Nubie, et « Koust » pour la Haute Nubie, dans la région de Kerma. Constamment confrontés à ce peuple rebelle, les Egyptiens l’assimilèrent à la Nubie. Le Soudan actuel englobe le Sud de la Nubie antique. L’histoire de la Nubie est jalonnée d’étapes de conquêtes et d’indépendance.
—    Et les Ethiopiens ?...
—    Le terme « Ethiopie » est apparut sous les Grecs, et cela signifiait : Les Têtes Brûlées. A cause de la couleur de leur peau.
—    Mais pourquoi ces tablettes sont si importantes pour vous ?
—    Pour moi et pour toute la science archéologique… Pour le bien de l’humanité, mais aussi pour le respect de ce que les anciens nous ont laissés… Ces tablettes sont uniques car elles sont en quartz noir. D’un noir argenté, très brillant et extrêmement solide. Et le mystère est de savoir comment ils ont fait pour graver ce matériau si dur… Et aussi, où l’ont-ils trouvé ?
—    Du quartz noir... ça existe en noir ?...
Antony se met à rire gentiment, sans vouloir se moquer. Il lui explique que le quartz existe dans beaucoup de couleurs… Du cristal totalement transparent, jusqu’au plus foncé. En fait, cela dépendait de la nature du sol et du gaz qui l’environnent.
Antony continu d’expliquer des tas d’objets curieux qui ont été fabriqués dans le passé.
Mwayé l’écoute, bouche entre ouverte.
A cet instant, elle ne pense plus à son travail… car elle boit littéralement ses paroles.
Au bout de plusieurs minutes, voire des quarts d’heures… elle se souvient qu’elle a du travail à faire et une enquête à instruire.
—    Bon. C’est très intéressant tout cela… mais j’ai du boulot ! Alors, elle se lève… réajuste sa tenue, et reprend son bloc note. On y va ?
Antony amusé et en même temps charmé, obéit sans broncher.

L’enquêteuse a passée sa première nuit sous une tente tout confort. Pas plus rassurée que cela…
Elle s’en endormie en rêvant aux mystères de la Nubie et aux objets précieux qu’on laissé toutes ces anciennes civilisations.
La nuit est lourde et profondément noire. Elle est tapissée de milliers d’étoiles scintillantes. Le Nil glisse son encre en silence. Certaines vies se sont endormies. Seuls, les animaux nocturnes s’activent.

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